Et si on parlait broderie ? Ep.2 : du fil dans nos villes

Il y a quelques mois, quand j’ai dû proposer un atelier dérivé du street art, j’ai repensé à ces vélos recouverts de fils multicolores perdus dans les rues de New-York et à ces pièces de crochets qui illuminent nos villes depuis quelques années. Lors de mes recherches, j’ai été surprise du nombre de propositions autour du fil que l’on pouvait trouver aujourd’hui. L’atelier, je vous en reparle très vite mais pour le moment, j’ai plutôt envie de vous proposer un tour d’horizon de ces nouvelles pratiques.

Si je me souviens bien, j’ai découvert Magda Sayeg et son collectif Knitta en feuilletant un livre sur le DIY il y a bon nombre d’années maintenant. Magda Sayeg, c’est la première à avoir fait ce que l’on appelle du Yarn Bombing, cet art de mettre du crochet un peu partout dans les villes. Comme un nouveau moyen de réinvestir et de se réapproprier nos rues avec de la couleur et une technique qu’on jugeait alors un peu désuète, le Yarn Bombing a vite essaimé un peu partout dans le monde. Moi, j’ai été séduite par l’humour et la dextérité de certaines, le Collectif France Tricot ou les californiennes de Knits for Life en premier. Loin d’être une bande de hippies en goguette, ces filles me faisaient rire avec des idées plus improbables les unes que les autres et des installations drôles et colorées !

dsc_0101Magda Sayeg – El Cosmico at Marfa, Texas

Buttmunches by Lorna and Jill Watt - knits for lifeLorna and Jill Watt / Knits for Life – Buttmunches

Et puis, depuis quelques temps, de nouvelles propositions apparaissent, toujours avec le fil à l’honneur mais avec d’autres techniques comme la broderie ou le string art.
Ce que j’aime chez l’un comme chez l’autre, c’est leur spontanéité. Je m’explique : tandis qu’une pièce en crochet peut être réalisée chez soi avant d’être installée, la broderie comme le string art demande que l’oeuvre soit créée « en direct » in situ, même si elle demande une préparation au préalable.

Et broder, c’est bien plus « facile ». Le crochet demande un savoir-faire que la broderie ne demande pas même si faire du point de croix sur du mobilier urbain n’est pas chose facile. Toujours graphique et colorée, la broderie urbaine offre un éventail de possibilités quasi sans limite – à part la taille du support -. Culture pop, typographies, motifs simples ou clins d’oeil aux classiques du point de croix, tout y passe entre les mains expertes d’artistes textile, comme Cam Dup et ses nombreux projets yarn bombing, pompoms ou broderie ou de simples passionnés tels Miss CrossStitch.

cam dup - domont val d'oiseCam Dup et les élèves du Lycée George Sand à Domont

miss crossstich kolnMiss CrossStitch à Cologne

D’autres se réapproprient ces pratiques pour créer un nouveau street art, en brouillant les limites de toutes ces pratiques et en en mélangeant allègrement les codes.
Les Deuz’Bro (brodeuses en verlan), par exemple, créent des graffitis au fil sur les grilles de nos villes – mais pas que – avec une technique assez incroyable.

les deuz'bro - rue des ardennes parisLes Deuz’Bro – Rue des Ardennes, Paris

Hot Tea, ancien graffeur, vient de Minneapolis et crée ce qu’il appelle un street art non destructif. Il utilise la laine pour investir la ville d’un tas de manières différentes : il dessine sur des grilles, recouvre des espaces vides et des murs pour s’offrir de nouvelles surfaces à bomber ou couvre des surfaces entières pour recréer des environnements urbains colorés tels que le pont de Williamsburg.
1082071902Hot Tea – Wild Life, Minneapolis

hot tea - minneapolisHot Tea – Untitled, Minneapolis

L’espagnol Spider Tag, mon chouchou, délaisse lui-aussi la bombe à la faveur d’une bobine de fil et tisse sur le sol et les murs de Madrid et d’ailleurs des motifs géométriques façon string art.

spidertag-en-solarpies-madrid7Spidertag – Jerez de la Frontera, Madrid

SpidertagSpidertag – Berlin

Il réinvestit la ville et, parfois, s’en échappe pour emmener le street art vers des contrées qui lui sont moins familières à l’image de ces cabanes suisses. Pleins de poésie, ses tissages aux couleurs douces viennent alors revaloriser leurs supports, tout en respectant leur environnement.
Spidertag – Berlin

Enfin, on trouve aussi de beaux exemples d’utilisation du fil en extérieur dans l’art contemporain. Loin des villes et même, le plus souvent, en pleine nature, ces œuvres éphémères reprennent ces techniques mais avec une démarche toute différente.
Chez Sébastien Preschoux, passionné d’Optical Art, le fil devient le moyen de défier le travail automatique et d’interroger le spectateur sur la valeur du temps passé à produire. A travers son projet Human vs Machine, il réalise manuellement, à l’aide d’outils et matériaux traditionnels, des installations arachnéennes, comme des transpositions en 3D de ses propres dessins.

Sébastien Preschoux – Miami Vice, Maroc

sebastien preschoux nocturne IIISébastien Preschoux – Nocturne III

Sean McGinnis, le filographe, crée lui aussi des œuvres inspirées de l’Optical Art. Ses installations, qu’elles soient en intérieur ou en extérieur, donnent toujours l’impression de flotter dans l’espace.

Sean McGINNIS - Installation 2009 Green Mountain Falls Colorado USA - crepusculeSean McGinnis – Crépuscule, Green Mountain Falls, Colorado

A ces deux artistes, viennent s’ajouter des œuvres ponctuelles telles que cette installation de Tatiana Blass, référence au mythe de Pénélope, ou le superbe projet Lace Fence de Joep Verhoeven et ses acolytes qui , plutôt que de broder des grilles, créent des objets manufacturés qui paraissent réellement brodés.
Tatiana Blass - PenelopeTatiana Blass – Pénélope

joep verhoeven - lace fence - philzdelphieJoep Verhoeven – Lace Fence, Philadelphie

Evidemment, un petit tour des internets vous montrera qu’il existe des dizaines d’autres propositions mais j’ai choisi de vous présenter, ici, une sélection des œuvres que je trouvais les plus pertinentes et d’artistes dont le travail m’a touché d’une manière ou d’une autre ou qui m’ont inspiré en espérant que toutes ces productions vous inspirent à votre tour.
Alors …
A vos fils, partez !

Hye Jin Lee - Junction Hollow Bridge in OaklandHye Jin Lee – Junction Hollow Bridge, Oakland

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One comment Commenter
  1. Je connaissais déjà un peu mais là je fais des découvertes pour certains artistes ou collectifs! et franchement j’adore ! Déjà amateur de street art si on peut rendre l’art non destructif j’aime encore plus !

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